Temps de lecture : 10 minutes 

🎯 ObjectifComprendre comment l’horloge chinoise rythme le Qi à travers nos cycles de jour et de nuit.

Une clé millénaire pour expliquer nos réveils nocturnes et notre énergie en journée.

Chouette hulotte perchée dans un arbre, illustrant la vigilance nocturne et la sagesse de l’horloge chinoise selon la Médecine Traditionnelle Chinoise.

L’HORLOGE CHINOISE : NOTRE CORPS AU RYTHME DES MARÉES ÉNERGÉTIQUES

 

🕰️ Table des matières – L’horloge chinoise et les rythmes du corps

1. INTRODUCTION : POURQUOI NOS RÉVEILS NOCTURNES ONT DU SENS

Vous vous demandez pourquoi vous vous réveillez chaque nuit entre 2 h 30 et 3 h 30 ?
Ou d’où vient cet énorme coup de mou entre 18 h et 20 h : aucune envie de préparer un repas digne de ce nom, juste un irrésistible appel à s’affaler dans le canapé… ou, plus gourmand, à compenser par un apéro que l’on qualifiera unanimement de « bien mérité » ?

Voici une démonstration vieille de 2 300 ans, qui nous explique que nous vivons selon une horloge chinoise.
Après un bref détour par la « jeunette » horloge biologique occidentale, l’histoire de l’horloge chinoise vous fera rêver — et, espérons-le, donnera un sens à vos réveils nocturnes, selon l’heure à laquelle vous ouvrez les yeux.

Je reçois régulièrement des personnes qui me racontent se réveiller à la même heure chaque nuit.
C’est donc parti pour un décryptage Zhong Fu : un peu d’histoire (qui s’écrit toujours en temps de bataille, apparemment… gardons espoir) et une explication limpide pour mieux comprendre notre fonctionnement énergétique.

2. BRÈVE HISTOIRE DE L’HORLOGE CIRCADIENNE EN OCCIDENT

Les scientifiques occidentaux ont amorcé le concept d’horloge biologique tardivement. Voici quelques jalons, sans prétention d’exhaustivité scientifique.

Rythme nycthéméral et première horloge biologique

En 1729, le naturaliste Jean-Jacques d’Ortous de Mairan mène à Toulouse une expérience sur la sensitive (Mimosa pudica), une plante dont les feuilles s’ouvrent le jour et se referment la nuit – également sensibles au toucher.
Pour vérifier si ce cycle jour-nuit (au nom poétique de rythme nycthéméral) dépend uniquement de la lumière, il place la plante dans une pièce entièrement sombre.
À sa grande surprise (oh Jean-Jacques !), les feuilles continuent à s’ouvrir et se fermer chaque jour, suivant un rythme d’environ 24 heures, comme si la plante possédait sa propre horloge interne indépendante de la lumière.

Chronobiologie et rythme circadien selon Franz Halberg

En 1950, le chercheur Franz Halberg, à l’Université du Minnesota, jette les bases scientifiques de la chronobiologie, en observant les rythmes biologiques réguliers chez l’humain et chez l’animal.
Il introduit le terme circadien, du latin circa diem, « environ un jour », pour désigner ce rythme biologique.

Le chef de l’horloge biologique dans le cerveau

Dans les années 1970, on identifie enfin le « chef d’orchestre » de l’horloge circadienne : le noyau suprachiasmatique (NSC), niché dans l’hypothalamus.

Il reçoit directement les signaux lumineux captés par la rétine, ajuste en permanence notre cycle veille-sommeil et synchronise de multiples processus internes : température, cortisol, mélatonine, autres hormones, digestion, coups de fatigue.

Les recherches contemporaines continuent d’affiner cette connaissance.
On sait aujourd’hui que chaque organe possède sa propre horloge, une micro-structure rythmique qui se synchronise plus ou moins bien avec celle du cerveau.
Ainsi, le foie métabolise mieux certains médicaments la nuit, le cœur supporte moins bien les efforts physiques à certaines heures, et la performance sportive atteint souvent un pic en fin d’après-midi.

Chouette la sagesse de l’horloge chinoise selon la Médecine Traditionnelle Chinoise.

📸 @ Jean van der Meulen

3. AUX ORIGINES DE L’HORLOGE CHINOISE ET DE LA PENSÉE MÉDICALE

Bien avant ces découvertes contemporaines, la théorie de la circulation énergétique sur 24 heures, décrite dans le Su Wen, remonte à environ 2 300 ans.

Elle aurait été rédigée entre –300 et –150 av. J.-C., à la fin du Royaume des Combattants : une époque de grands bouleversements politiques, marquée par la désintégration du pouvoir central des Zhou, mais aussi par une activité intellectuelle foisonnante, souvent appelée les « Cent Écoles de Pensée », dont sont issus les célèbres Confucius et Lao Tseu.

C’est dans cette effervescence que sont apparues les premières théories du Qi, du Yin-Yang et des Cinq Éléments, qui constituent les fondations de la cosmologie médicale chinoise, où l’humain est vu comme un microcosme régi par les mêmes lois que le Ciel et la Terre.

Ces concepts furent ensuite rassemblés et systématisés dans le Huangdi Neijing, sous la dynastie des Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.).

La médecine chinoise identifie alors ces rythmes en définissant l’horloge des méridiens, qui se déploie sur 24 heures pour suivre la circulation du Qi, l’énergie vitale parcourant les 12 méridiens principaux.

4. LES DEUX GRANDES MARÉES DU QI

La tradition chinoise distingue deux courants énergétiques :

Le Qi nourricier : la marée interne

Le Qi nourricier (Yong Qi) circule dans les douze méridiens principaux, selon un trajet fixe et profond, pour alimenter, réparer et reconstruire les cellules. Son mouvement est régulier, mesuré, constant : il suit un rythme stable d’environ cinquante cycles complets en vingt-quatre heures.

Le Qi défensif : la vague en mouvement

Le Qi défensif (Wei Qi) agit surtout le jour, à la surface du corps, pour protéger, réguler la température corporelle et éliminer. Le Wei Qi n’est pas confiné aux méridiens : il circule entre la peau et les muscles, et pénètre en profondeur pendant le sommeil. Son mouvement, qui compte également cinquante cycles sur vingt-quatre heures, est plus mobile, diffus et réactif. Il se déplace avec agilité selon les besoins du moment : protection, thermorégulation, adaptation émotionnelle.

En bref

  • Yong Qi représente une grande marée interne : régulière, continue.
  • Wei Qi agit comme une vague vive : mobile, réactive, adaptative.

Mais celui qui nous réveille, c’est bien Yong Qi ! Ce mouvement constant entretient la cohérence du corps, indépendamment de nos activités ou de notre sommeil (ou plus précisément, aux dépens de notre sommeil… voir plus loin !).

5. LA GRANDE CIRCULATION DE YONG QI : LE FLUX CONTINU

Le Yong Qi parcourt la grande circulation des 12 méridiens dans l’ordre suivant :
Poumon → Gros Intestin → Estomac → Rate → Cœur → Intestin Grêle → Vessie → Rein → Maître du Cœur → Triple Réchauffeur → Vésicule Biliaire → Foie.

Arrivé au Foie, le Qi retourne au Poumon, redescend le long du Du Mai, remonte le Ren Mai, repasse par le Poumon et reprend le cycle au point 23 Ren Mai.

Ce circuit complet s’effectue 50 fois par 24 heures.
Autrement dit, en une journée, l’énergie nourricière accomplit 50 tours complets de la grande circulation, régulant en continu les tissus et les fonctions organiques.

Ce mouvement constant entretient la cohérence du corps, indépendamment de nos activités ou de notre sommeil (ou plus précisément, aux dépens de notre sommeil… voir plus loin !).

Visualiser la circulation du Qi nourricier sur 24h

En vingt-quatre heures, le Yong Qi passe successivement par les 12 méridiens, chacun étant au maximum de son activité pendant 2 heures.
C’est ce cycle, calé sur le jour solaire, qui constitue l’horloge chinoise.

Pour représenter ce rythme, les médecins chinois ont établi une horloge énergétique indiquant les périodes de plénitude de chaque méridien.
Elle décrit la montée et la descente du Qi dans les organes, comme les marées de la mer : elle ne crée pas le flux, elle en révèle les hauteurs.

La quantité d’énergie est à son maximum pour chaque méridien — et donc pour chaque organe — aux heures solaires indiquées sur le schéma.

Ci-dessous, l’horloge chinoise : le cycle des 12 méridiens sur 24 heures.

Schéma de l’horloge chinoise montrant la circulation du Qi à travers les douze méridiens principaux sur 24 heures.
Pour avoir l’équivalence de ces heures solaires à notre heure d’hiver et d’été (zone Bruxelles–Montpellier, pour simplifier), voici un tableau des correspondances heure solaire / heure d’hiver / heure d’été :
Tableau indiquant la correspondance entre les heures solaires chinoises et les heures locales en hiver et en été pour la France ou la Belgique.

Observation du Qi selon la Méthode Zhong Fu : regard du praticien et ressenti de la personne

Lecture des pouls chinois et perception du Qi par le praticien

Le praticien Zhong Fu perçoit, à travers la prise des pouls chinois, le passage de la marée énergétique d’un méridien à l’autre.
Chaque organe se manifeste par un souffle particulier : souple ou tendu, plein ou vide.
L’écoute fine de ces transitions permet de repérer les barrages ou les excès et de restaurer la fluidité du Qi grâce à l’acupression, pour que la marée accomplisse son cycle sans heurts.

Signes des déséquilibres énergétiques : ce que la personne ressent

Les déséquilibres de ce cycle se traduisent souvent par des signes récurrents à la même heure : réveil nocturne, baisse d’énergie, digestion difficile, irritabilité.
Ces “rendez-vous horaires” du corps sont des messages de régulation.
En les reconnaissant, la personne retrouve le dialogue avec son propre rythme.

6. LE QI NOURRICIER NE DORT JAMAIS

On pense souvent que la nuit est un temps d’arrêt d’activité « Non peut-être ! » (expression bruxelloise que certains reconnaîtront).
En réalité, le Qi nourricier (Yong Qi) reste actif de jour comme de nuit :

  • Vers 1 h, il se concentre dans le Foie, où il draine et trie les émotions et les résidus de la journée.
  • Puis il passe au Poumon, vers 3 h, pour remettre en mouvement la respiration du Qi. Ce souffle devient bien difficile à trouver si nous traversons des périodes de tristesse profonde (voir nos articles sur la Tristesse, en lien avec l’énergie du Poumon).
  • Le matin, quand nous ouvrons les yeux, c’est le Gros Intestin qui entre en scène, favorisant l’élimination — un processus autant symbolique que physiologique.
  • Et quand on n’a pas envie de préparer le repas de soir, c’est l’énergie du Rein qui nous fait défaut !

Chaque heure du jour correspond à une phase précise de ce grand cycle interne.
Ainsi, le corps travaille sans relâche.
Lorsque cette marée se bloque — par stress, surmenage, infection (virus, bactérie, parasite ou champignon) ou trouble émotionnel — l’énergie se fige dans un organe, et le désordre s’installe.

7. LE FOIE DÉBORDÉ PAR LA MARÉE NOUS RÉVEILLE ENTRE 1 H ET 3 H

Entre 1 h et 3 h du matin, l’énergie du Foie atteint son maximum.
C’est le moment où le corps filtre, détoxifie et remet en mouvement tout ce qui s’est accumulé au fil de la journée.

Si tout circule librement, le sommeil reste profond et réparateur.
Mais si le Foie est débordé – repas tardif, excès alimentaires, alcool, médication inadaptée ou contrariété – la marée énergétique rencontre un barrage : ça déborde… et nous nous réveillons.

Ce réveil entre 2 h et 3 h n’est donc pas anodin.
Il indique souvent une stagnation du Qi du Foie, un déséquilibre qui perturbe la libre circulation des souffles et empêche la vraie récupération nocturne.

Dans la logique Zhong Fu, restaurer cette fluidité, c’est réaccorder le corps à son propre rythme, pour que la marée passe sans débordement.

8. LES MARÉES DU QI : UNE SAGESSE POUR L’HUMAIN MODERNE

Le Su Wen, texte fondateur de la Médecine Traditionnelle Chinoise, résume cette logique en une phrase :

« Le Ciel envoie son souffle, la Terre reçoit et l’homme, au centre, régule. »

Réguler, c’est comprendre le rythme et s’y accorder.

Petite chouette ou la sagesse de l’horloge chinoise selon la Médecine Traditionnelle Chinoise.

📸 @Kalidasan Gopi

 

 

 

Dans la méthode Zhong Fu, ce principe guide le travail du praticien :

  • observer à quel moment de la journée apparaissent les troubles, écouter les pouls chinois pour percevoir le passage du Qi d’un méridien à l’autre, et
  • rétablir le mouvement naturel des marées internes.

Mais cette conscience du rythme ne concerne pas que le praticien : chacun peut apprendre à écouter son propre cycle énergétique. Reconnaître les moments où le corps se réveille, s’éteint ou s’essouffle, c’est déjà amorcer le décryptage de son horloge intérieure.

Le corps n’est pas une machine linéaire.
C’est une horloge vivante, à la fois continue et cyclique, plus ou moins harmonieuse, dont chaque battement résonne en écho avec les énergies du Ciel et de la Terre.

Tic, tac, tic, tac, vous l’entendez ?

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